Decouvrez mes nouvelles

La ligne rouge

– C’est incroyable. Figure-toi que Bernard Ntuyahaga, l’assassin qui a ordonné le massacre de nos dix casques bleus au Rwanda, vient de sortir de prison. On lui a octroyé une remise de peine pour bonne conduite. Mais ce qui est encore plus hallucinant, c’est qu’il a demandé l’asile politique à la Belgique et que nos autorités sont en train d’examiner sa demande. Comment peut-on concevoir une chose pareille ? Non seulement c’est totalement injuste mais en plus, c’est un manque complet d’empathie, c’est du cynisme ou de l’amnésie. Imagine que Marine le croise dans la rue. Pierre avait 22 ans quand il est parti pour Kigali, au lendemain de leur mariage. Sa vie a été brisée et maintenant le bourreau va se promener tranquillement à côté de ses victimes. C’est insupportable. À croire qu’on peut tout supporter, tout justifier, tout pardonner. Mais au nom de quoi ? Un peu de décence quand même

Lisez tout

Une rencontre salutaire 

Un jour arriva
Où Sébastien prit peur
De ne plus être à la hauteur,
Ni dans sa vie de couple,
Ni dans sa vie de fonctionnaire,
Chaque jour plus dominée
Par l’intelligence artificielle.

Le temps changeait à vive allure,
Sébastien avait atteint l’âge « après mûr ».
Ce n’était pas encore la vieillesse
Avec sa sereine et résignée sagesse,
Mais une période de transition,
Quand on cherche une miraculeuse potion
Pour maquiller les rides
Creusées par le temps,
Aussi impitoyable que lucide.

L’époque moderne des fake news et des spams
N’allège pas les misères de l’âme…
Le corps se plaint aussi de plus en plus,
On aimerait encore voler,
Approcher les étoiles,
Mais sans trop prendre de risques
Pour ne pas se faire mal,
Car les ailes sont devenues fragiles.
La tête tourne par moments,

Il faut doser « le pourquoi et le comment ».
Sébastien en était conscient,
Mais il ne l’acceptait pas.
Sa compagne, Alice,
Vite le rassura :
« Je t’aimerai toujours, — déclara-t-elle — Advienne que pourra ! »

Mais Sébastien s’enfonçait chaque jour davantage dans sa détresse,
Qui s’accordait avec une infinie paresse.
Il ne bougeait plus, ne faisait rien,
Mais se plaignait bien, et sans cesse.
Il devenait plus petit, plus vulnérable,
D’une humeur étrange et instable,

Grognon, pessimiste et triste — très triste.
Lui qui aimait la nature
A marqué avec elle une radicale rupture :
Le soleil le brûlait,
Le vent le battait,
Les arbres lui donnaient de l’allergie,
Les oiseaux troublaient son sommeil,
Le coq du voisin criait trop au réveil,
Le chat miaulait sans raison, et faisait pareil…
Tout le dérangeait dans ce monde
Où le virtuel devenait réel
Et tout allait de travers :
Les poètes sont mangés par les vers,
La beauté cède à la laideur,
Et quand le diable s’en mêle,
Le climat s’échauffe tandis que les conflits se gèlent…

La forêt qu’il aimait cachait des moustiques,
La mer nageait dans le plastique,
La montagne n’était plus idyllique.
Les gens n’écoutaient plus,
Parlant soit trop fort, soit trop bas.
Et le pire, c’est qu’il n’y avait rien à faire,
Qu’il n’avait pas le choix !!
Sébastien n’avait plus d’espoir
De vivre sans en avoir marre.

Voyant l’amertume gagner son cœur,
Alice chercha à alléger son malheur
En lui offrant des vacances au bord de la mer :
« Bronzé — a-t-elle dit — tu auras meilleure mine,
Et en marchant, tu produiras de la sérotonine. »

Alice ne l’accompagna pas — et pour cause :
Évitant d’être contaminée par sa languissante psychose.

Sébastien partit, taciturne et sans envie,
Et décida, pour calmer son esprit,
De faire de longues promenades,
En contemplant l’horizon et les vagues.

Aux couchers du soleil,
Il remarqua qu’un individu
Le suivait pas à pas,
Toujours derrière, gardant la distance.
Il était grand, un peu effacé,
Mais inspirait confiance.
Sébastien commença à lui parler
De sa vie tellement agitée
Par le désir de réussir,
Par la soif d’être aimé.
Il lui dévoila ses peurs,
Confessa ses faiblesses,
Avoua ses maladresses.
Puis il ajusta son rythme,
Avançant calmement,
Sans hâte mais sans paresse.

L’inconnu le suivait,
Attentif, discret, tout à l’écoute,
Faisant toujours la même route.
Compagnon fidèle et sans encombre,
Sébastien a retrouvé la paix,
Car l’inconnu était… son OMBRE

Sonate d’hiver

« Il va geler cette nuit… » constate Paul en entrant sa voiture dans le garage.

Pedro et Chantal ont tout perdu avec l’arrivée de l’eau, grotesque et inattendue. Un véritable tsunami qui a tout englouti sur son passage. Le toit de leur maison les a sauvés avant que les sauveteurs n’arrivent. Leur erreur ? Habiter au bord de la rivière. Autrefois paisible, elle est devenue insoumise, violente, mortifère.

Simon se retrouve dans la rue après que le propriétaire de l’appartement qu’il louait a perdu patience. Simon, lui, depuis qu’il a perdu son job, doit trois mois de loyer. Le propriétaire, un homme de bien, aurait pu attendre davantage, mais lui aussi avait besoin d’argent. Lui-même a été renvoyé de l’entreprise quand l’« Intelligence artificielle » a pris son poste. Pas de compétition, pas de chance.

Adana n’a pas obtenu le statut de réfugiée et risque l’expulsion. Elle passe une nuit à la gare, une autre chez une connaissance, mais le plus souvent, c’est dans une voiture abandonnée, dans un cul-de-sac où errent les chats sans-abri. Cette voiture est aussi abîmée qu’elle. Aucune réparation n’est envisageable.

« Il va geler cette nuit… » dit Sophie en tendant à son fils son pyjama en flanelle.

Pedro et Chantal attendent l’aide de l’État, qui ne vient pas. On leur dit de patienter. Ils n’aiment pas faire de bruit. Ils respectent la loi et croient encore qu’on va les prendre en charge. En attendant, on les loge dans un foyer. Mais il y a trop de monde là-bas, trop de bruit. Ils n’y sont pas à l’aise et préfèrent camper devant ce qu’il reste de leur maison. Vingt ans de vie, enfouis sous des débris mêlés à la boue.

Simon vend sa montre, achète trois bouteilles de vodka et des sandwichs. Il se saoule, buvant à petites gorgées toute la journée. Il s’assied devant la porte de la banque, rêve qu’il est devenu riche, un client VIP. L’agent de sécurité lui demande de partir, mais il lui répond qu’il n’a nulle part où aller. L’agent lui dit alors de reculer de quelques mètres pour ne pas être trop visible.

Adana trouve un peu de chaleur dans les bras d’un vieux salaud qui lui offre une chambre pour la nuit dans un hôtel 2 étoiles, en échange de services sexuels. Elle profite de la douche et tente de laver son dégoût. Le matin, Adana retourne

dans la voiture abandonnée où elle se sent en sécurité. Ce qui est difficile à supporter, c’est le froid, et ce vide qu’elle n’arrive pas à meubler.

« Il va geler cette nuit… » se dit Christine en sortant son duvet de l’armoire.

Pedro convainc Chantal de rentrer au foyer pour « les sans-abris ». Il lui promet que le lendemain, il ira à la commune réclamer l’aide. Ils ont assez attendu. Ils se consolent mutuellement. Il faudra recommencer à zéro, mais ils ne perdent pas l’espoir. Ils regardent les gens passer, se couvrant de la tête aux pieds, mais leur moral reste nu.

Simon, complètement ivre, se sent heureux. Il n’attend plus rien. Il n’a pas besoin d’un miracle. Après tout, s’il meurt, ce serait pour le mieux, pense-t-il. Cela ne fait pas de mal, et la vie… la vie est douloureuse. Il en a assez d’être jugé inutile, même s’il pense lui-même être un poids.

Adana pense que son histoire est un échec. Venir en Europe, c’était un rêve truqué. Chaque jour, l’espoir se rétrécit comme une peau de chagrin. Sa famille et ses amis lui manquent. Elle se débat contre le froid de l’hiver, un hiver qu’elle ne connaissait pas. Le regard des gens est aussi froid. Aucune empathie. Chacun pour soi.

« Il va geler cette nuit… » dit Jean à sa femme en allumant le feu dans la cheminée du chalet.

Le sapin de Noël installé au centre de la grande place attire les passants avec sa myriade de lumières colorées. Quelques mètres plus loin, deux corps sans vie gisent dans l’obscurité…

Il a gelé cette nuit !!!

Bruxelles, 22 decembre 2024

« Le jagüey et autres récits », des nouvelles ancrées dans la réalité

Le jagüey, c’est un arbre étrange, vénéré par les uns (en Inde) et symbole du péché pour les autres (à Cuba). Pour l’auteur, c’est un symbole de la globalisation qui constitue une sorte de fil d’Ariane reliant, aux quatre coins de la terre, des personnes aux prises avec les problèmes qui caractérisent notre époque. Dans « Le jagüey et autres récits », chacune des 20 nouvelles – qui se distinguent par leur originalité et leur ouverture sur le monde – nous propose une fiction littéraire profondément ancrée dans la réalité de la vie contemporaine.

Et si on parlait de Nazar ?

Nazar est un ensemble de dix-neuf nouvelles qui reflètent les problèmes de la société actuelle et qui nous interpellent sur les menaces de la globalisation. Dans ce monde en pleine mutation, les frontières sont de plus en plus floues entre vérité et illusion, entre bien et mal, amour et consommation, victime et bourreau. Nazar, mot emprunté à la langue turque, c’est un talisman qui protège les hommes du mal, surtout de la jalousie, et les protège aussi d’eux-mêmes. Nazar, titre d’une nouvelle où s’entrecroisent les destins dramatiques de migrants, apparaît comme un message universel porteur d’espoir et de lendemains meilleurs.

Merapi et autres nouvelles

Son dernier livre Merapi contient seize nouvelles qui nous plongent au cœur de l’actualité sociopolitique. Les héros, des gens ordinaires, se voient confrontés dans leur quête du bonheur à des choix et des situations inattendues. Des histoires de rêves, de passions, de traumatismes, de tensions poussées à l’extrême qui nous font entrevoir une part de vérité sur les valeurs de notre société et sur nous-mêmes. Style enlevé, action rapide, humour et ironie emmènent le lecteur d’un seul trait jusqu’à la fin, l’invitant ensuite à une réflexion plus approfondie.

Merapi, c’est le nom d’un volcan indonésien dont les éruptions ont causé des centaines des morts dans la population locale. Dans le même temps, il a contribué à améliorer les conditions de vie des survivants en fertilisant les terres. Certains indigènes considèrent Merapi comme un dieu et d’autres comme une malédiction.